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Ultra Light

J'ai pris rendez-vous avec le psy pour qu'il me fasse la recommandation pour le Centre de Ressource Autisme pour le diagnostic du syndrome d'Asperger. Je le vois la semaine prochaine.

En attendant, j'ai commencé à lire le livre "L' Asperger au féminin" de Rudy Simone. Cette femme est une écrivain, chanteuse et comédienne américaine, atteinte du syndrome d'Asperger qui, dans ce livre, a tenté de décrire le syndrome d'Asperger chez la femme, en interviewant plein de femmes Asperger. En effet, avant ce livre, aucune description du SA au féminin n'existait et la description "officielle" du SA était basée uniquement sur des sujets masculins. Le SA ayant des répercussions sociales et sur l'identité de genre, il était important que son impact sur les femmes soit décrit.

Et bien, à peu de chose près, tout ce que j'y lis semble raconter ma vie, mais en version "ultra light". C'est à dire que je me retrouve dans les traits, difficultés et particularités qu'elle décrit, mais en version moins marquée que ce qui transparaît dans les témoignages qu'elle cite.
Il y a d'ailleurs plusieurs items pour lesquels je me suis dit "ha mais ça, c'est pas le cas chez tout le monde ?!".
Comme saturer très vite et être fatiguée après avoir sociabilisé (pour moi partir en week-end chez des amis, ou aller à une grosse fête, sans forcément me coucher tard) ou encore soliloquer dès qu'on ne me voit pas ou qu'on ne m'entend pas. Rudy Simone classe d'ailleurs le soliloque dans les stéréotypies.

J'ai aussi découvert que j'avais des traits autistiques assez typiques, comme :

- les intérêts électifs. En matière de musique, je ne m’intéresse qu'à un seul artiste à la fois, je cherche à connaître tout de cet artiste, je n'écoute que lui exclusivement. Puis, un jour, je passe à un autre. J'ai eu ma période Higelin. Puis ma période Murat. Puis plus rien du tout. J'ai donc plein de CDs, mais qui ne concernent que très peu d'artistes. En BD, c'est pareil. J'ai principalement des œuvres de Hugo Pratt, et c'est à peu près tout, mais par contre, je les ai tous. Le fait de lire énormément de bouquins de psycho, aussi, même des ouvrages destinés aux professionnels, pour en apprendre le plus possible sur la phobie sociale (j'ai d'ailleurs compris pourquoi j'étais étonnée de découvrir que les autres phobiques sociaux ne lisent pas des quintaux de livres de psycho).

- Évidemment, le fait de ne pas savoir se faire d'amis ou entretenir un lien amical. Au collège, la coutume voulait qu'on demande à ses amis (du collège et hors collège) d'écrire une dédicace sur nos cahier de texte. Moi, j'avais écrit de fausses dédicaces provenant d'amis fictifs, pour que personne ne puisse me dire "han, mais t'as pas d'amis !".
Je pensais être débarrassée de ce genre de difficultés par ma TCC. Or récemment, j'ai eu la preuve du contraire. Une amie de très longue date de mon mari est revenue dans notre entourage, après une très longue absence qui a démarré à la période où j'ai rencontré mon mari. Comme ils ont très longtemps été très proches, ils sont redevenus très proches très vite. Hé bien j'ai énormément de mal à l'intégrer dans le cercle des intimes. C'est une souffrance pour moi. Je ressens les mêmes choses que quand j'ai rencontré mon mari et qu'il m'a présenté ses amis il y a 10 ans. Je sens qu'il va me falloir beaucoup de temps pour y arriver. Quant-à l'idée de me faire des amis à moi, et non de me greffer sur les amis de mon mari, là-dessus, rien n'a évolué malgré la TCC. 

- Le fait de ne pas être à l'aise avec les gens sur le plan tactile : il y a quelques années, quand mon mari essayait de me réconforter en me prenant dans ses bras, je me raidissais. J'ai appris à ne plus le faire, pour ne plus blesser mon mari.

- Le fait d'avoir des activités et centre d'intérêts peu genrés : je ne fais pas de trucs de filles, ça ne m'a jamais intéressé, ça ne m'intéresse toujours pas. J'ai essayé pourtant, j'ai même lu de la presse féminine, mais il n'y a pas moyen, je trouve ça inintéressant. Les fringues, la mode, le maquillage... Je ne sais pas non plus me mettre en valeur sur le plan vestimentaire, au grand dam de mon mari. J'ai appris à me maquiller avec une reloockeuse. Au début, je me forçais à le faire, car ça m'ennuyais prodigieusement. Aujourd'hui, c'est rentré dans ma routine du matin, donc je ne sors plus travailler sans maquillage.

- Les routines, parlons-en. Le matin, avant de partir travailler, si quelque chose ne se passe pas comme d'habitude, c'est très difficile pour moi. J'ai d'ailleurs blessé mon mari en lui expliquant, sans penser à mal le moins du monde, que si j'étais désagréable avec le matin au réveil, c'est parce qu'il ne fait pas partie de ma routine (mon mari est un oiseau de nuit, il se lève toujours après que je sois partie au travail, sauf à de très rares exceptions). Il a fallu qu'il m'explique en quoi c'était blessant.
J'ai une autre routine qui vient de se mettre en place : aller à l'hypermarché en sortant du travail le mardi soir. Au début, quand mon mari me demandait d'y aller de temps à autres pour aller chercher un truc qui n'est vendu que dans cet hyper-là, je rechignais énormément. Je pensais que c'était le fait d'aller dans un hyper le soir après une journée de travail, avec la fatigue dans les pattes, qui me faisait reculer. Nous avons déménagé récemment, et durant la phase de déménagement, nous n'avons plus eu le temps de faire les courses le week-end en journée. J'ai donc du aller à cet hyper régulièrement les mardis soirs. Et bien depuis que j'en ai pris l'habitude, à ma grande surprise, ça n'est plus du tout une souffrance. C'est intégré dans une routine.

- Le fait de ne pas partager mes émotions spontanément. Je ne donne mon avis que si on me le demande, SAUF si c'est sur un sujet qui me passionne. Et dans ce cas, je suis capable d'être soulante.

- Le fait de ne pas savoir bavarder de tout et de rien. Avant, je pensais que c'était parce que j'avais peur des gens. Mais je n'ai plus peur des gens depuis ma TCC. Et pour autant, je ne sais pas bavarder. C'est d'ailleurs un peu problématique au travail. C'était d'ailleurs une de mes angoisses d'étudiante : "mais qu'est ce que je vais bien pouvoir raconter à mes patients ?". Au téléphone avec des proches également, si je n'y prends pas garde, je vais droit au but. J'ai du apprendre à papoter un tout petit peu avant de poser la question pour laquelle j'appelle.

- Apprendre, j'ai le sentiment d'avoir eu tout à apprendre à l'âge adulte en terme de communication et interactions sociales. Mon mari m'a souvent dit à ce sujet "j'en ai marre de faire le mode d'emploi !". J'ai beaucoup appris par imitation, notamment sur le plan professionnel. D'ailleurs aujourd'hui, j'utilise encore des façons de parler à mes patients qui sont des imitations de mes profs de fac. J'ai imité sur le plan privé aussi. Dans le domaine de la politique, j'ai imité mon entourage. C'est comme ça que je suis passée de Chiraquienne (via mes parents) à altermondialiste ultragauche, par imitation de mon grand-frère, quand j'ai pris mon indépendance intellectuelle vis-à-vis de mes parents. Puis, quand j'ai pris mon indépendance intellectuelle vis-à-vis de mon grand-frère, j'ai suivi mon mari, qui lui m'a poussée à réfléchir.

- Sur le plan sexuel aussi, je suis assez typique du SA au féminin. Avant de rencontrer mon mari, j'étais très influençable. J'ai erré de bras en bras, disant oui à peu près à chaque homme qui voulait de moi, faisant ce qu'on me demandait de faire, sans me demander à moi-même si j'aimais ça ou pas.

- L'aspect financier est également évoqué chez les SA, le fait de ne pas savoir gérer son argent.

Bref, tout un tas de trucs que j'aurais pu attribuer à la phobie sociale. Mais je ne suis plus phobique sociale, je n'ai plus peur des gens. Pourtant, j'ai encore beaucoup de dysfonctionnements.

D'ailleurs, je pense que, s'il est avéré que je suis Asperger, c'est une très bonne chose que je ne sois diagnostiquée que maintenant. Car, sinon, je n'aurais pas fait de travail sur ma phobie sociale, puisque j'aurais attribué toutes mes difficultés au SA.
Dans ce que je lis sur le SA, je constate que la plupart ont une phobie sociale. Or une partie des Aspergers considère qu'on ne peut pas améliorer leurs compétences sociales parce qu'ils sont Asperger. Certains refusent même de chercher à les améliorer et sont "anti-neurotypiques". C'est dommage, parce qu'on vit tellement mieux quand on n'a plus peur des gens. On n'en est pas moins maladroit pour autant, mais on a moins peur.

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