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Une nouvelle prise de conscience

Parmi mes sources d'angoisse, il y en a une que je n'assume pas et à laquelle j'évite de me confronter. Je n'en parle que rarement à mon compagnon, encore moins au psy, parce que j'en ai honte. D'ailleurs le fait d'écrire cette note est une épreuve pour moi, cela fait plusieurs jours que je tourne autour sans le faire.

Je ne fais pas mes comptes. Je ne les ai quasiment jamais faits. Mon dernier souvenir de tenue de compte remonte à 13 ans auparavant, l'année de ma première vraie fiche de paie. Je vivais alors à Paris. J'ai du faire mes comptes pendant 2 ans et demie et arrêter quand je suis revenue vivre sur le lieu de mes études.
C'est alors que ma phobie sociale s'est installée. En effet, j'ai toujours eu mes amis sur mon lieu de travail ou d'études. Je n'ai jamais réussi à me faire d'amis en dehors de ces contextes. J'avais mes amis à l'école, au collège, au lycée, à la fac. Quand je suis partie à Paris, j'ai eu des amis sur mon lieu de travail. Puis j'ai décidé de revenir à ma ville d'études, pour des raisons d'avenir professionnel : je suis revenue travailler à la fac où j'ai fait mes études. Et là, je me suis retrouvée seule. Je n'avais plus mes amis d'enfance, de collège et de lycée depuis longtemps (les amitiés contextuelles n'ont pas survécu au changement de contexte). Mes amis d'études étaient partis vivre leur vie professionnelle et n'étaient plus à la fac. Mes amis parisiens étaient restés à Paris. Ma phobie sociale s'est alors développée et a pris toute son ampleur. J'ai vécu plusieurs années en solitaire, avec pour seule vie sociale mon iMac et MSN. Je ne voyais personne, du coup j'ai resserré mes liens avec mon grand-frère. Je me suis mise à bloguer. Je faisais beaucoup de crises d'angoisses, j'ai du faire un ou deux TAG, suivis d'épisodes dépressifs. J'avais une psy incompétente qui me traitait exclusivement à coup de cachetons.
C'est donc à cette période que j'ai arrêté de faire mes comptes. Je ne saurais pas expliquer précisément pourquoi, si ce n'est par le laisser-aller ambiant. Je ne voyais plus personne. Je ne rangeais plus mon appartement, que je n'ai jamais meublé, je dormais sur un matelas posé par-terre et ma table basse était une planche posée sur un carton (je rappelle que je gagnais ma vie correctement). Je ne faisais pas le ménage non plus, enfin pas souvent et pas à fond. A tel point que je ne pouvais plus envisager de recevoir qui que ce soit car l'appart n'était pas présentable (sans tomber dans les excès de ce qu'on voit dans l'émission de M6). Je mangeais n'importe quoi en n'importe quelle quantité, j'outre-mangeais souvent pour anesthésier mes angoisses, j'ai pris 20 kilos. Je me suis mise à boire de l'alcool en rentrant du travail, pour les mêmes raisons. Au début une bière, puis une grande bouteille de despé, puis un verre d'alcool fort. J'ai calmé cela suite à un défi posé par mon grand-frère qui ne me croyait pas capable de me passer de boire de l'alcool pendant une semaine. J'ai réussi et j'ai été tellement vexée qu'il ait cru cela, que j'ai arrêté l'alcool fort et m'en suis tenue à une bière de temps en temps, pas tous les jours.
Bref, je me suis retrouvée interdite bancaire alors que je gagnais ma vie et que je ne dépensais pas mon argent dans des sommes astronomiques, simplement en ne faisant pas mes comptes et en n'ouvrant jamais les courriers de ma banque. Malgré cela, je ne me suis jamais remise à faire mes comptes. Gagnant suffisamment ma vie pour ne pas avoir de nouveaux ennuis et ayant des parents prêts à m'aider à payer mon loyer (j'ai beaucoup fait appel à eux, alors qu'ils gagnent beaucoup moins que moi), rien ne m'a fait réagir.
Et puis j'ai rencontré mon compagnon (sur Meetic). Il se trouve que c'est moi qui rapportais les revenus dans le couple et moi qui était donc sensée gérer le budget, surtout depuis que je n'étais plus salariée. Or je ne gérais rien, je naviguais à l'aveugle, avec de temps en temps, un incident de loyer avec appel à mes parents.
Et c'est là que s'est renforcé mon comportement vis-à-vis des comptes.
C'est moi qui gagne les sous et mon compagnon a des passions qui coûtent cher (cinéma, musique, home cinéma, vidéoprojection, système de son, DVDs, Blu-rays etc...). C'est à moi de dire oui ou non à chaque achat suggéré. Et dire non à mon compagnon, c'est vraiment difficile (putain de manque d'affirmation). Donc, ne pas savoir précisément ce qu'il y a sur le compte me permet de l'évaluer "à la louche", et à la louche un achat passe toujours plus facilement. Si j'avais su ce qu'il y avait sur le compte, j'aurais peut-être eu à dire non souvent. Donc pour ne pas avoir à dire non, je me suis maintenue dans le flou. Je ne l'ai pas fait de manière réfléchie, ça s'est fait naturellement, à l'insu de mon plein gré.
A force de dépenser sans compter, je me suis mise en danger sur le plan professionnel, j'ai dû négocier avec ma collègue un moyen d'échelonner mes dettes. Cela ne m'a toujours pas fait réagir.
L'an dernier, nous avons décidé d'acheter une maison. L'idée m'angoissait et me ravissait en même-temps. Je ne savais pas trop pourquoi cela m'angoissait et n'étais pas armée pour y réfléchir paisiblement. Je n'avais évidemment qu'une vague idée du revenu que mon activité me permettait de dégager. La banque où nous étions nous a refusé le crédit immobilier (avec raison !), mais nous nous en sommes offusqués et sommes donc allés voir d'autres banques. Au fil des semaines, mon angoisse grandissait, sans que je comprenne réellement. J'avais peur qu'aucune banque ne nous accorde de crédit et j'avais peur de ce futur achat, sans comprendre qu'acheter une maison sans connaître ses revenus était là la source de mes angoisses. Nous avons finalement trouvé une banque qui accepte. Nous avons emménagé et j'ai fait mon TAG. A cette période, j'ai reçu les régularisations d'URSSAF et d'impôts de 3ème année d'activité libérale, ce qui m'a fait me pencher (enfin !) sur nos revenus. Et là je découvre que nous gagnons beaucoup moins que ce qui nous avons annoncé à la banque. Mon compagnon est tombé de haut en apprenant cela. Ce fut un moment difficile à passer entre nous. J'ai cru que notre couple ne s'en remettrait pas. Cela ne m'a toujours pas fait réagir.
Mes revenus ont augmenté, car mon activité se développe. J'ai anticipé les charges sur le compte pro, qui s'est équilibré, les incidents financiers se sont espacés. Mais ne faisant toujours pas mes comptes sur le compte perso, j'ai un peu trop puisé dans le compte pro et ai continué à me mettre en danger sur le plan professionnel. J'ai dû emprunter pour rééquilibrer les comptes. Cela ne m'a toujours pas fait réagir.
J'ai continué comme ça, avec encore quelques incidents, tout en me disant "mais ce n'est pas normal que je n'y arrive pas, je ne comprends pas ce qui se passe, je ne comprends pas ce que je ne fais pas correctement".
Et puis ce mois-ci, je viens de recevoir la régularisation de la caisse de retraite. Très grosses mensualités à venir, alors que nous avons en projet de prendre une location en plus du crédit, tant que la maison n'est pas vendue (nous ne revendons pas la maison pour raison financière mais parce que nous sommes trop isolés, trop loin de la civilisation). Je l'annonce à mon compagnon. Il ne comprend pas que je n'ai pas anticipé cette régularisation, ni que je ne sois pas capable de répondre à la question qu'il me pose : "Mais on gagne combien ? Est-ce qu'on va pouvoir payer la caisse de retraite ou est-ce qu'il faut encore solliciter la banque ?". Et là, en effet, je ne suis pas capable de lui dire combien on gagne. Mon compagnon re-tombe de haut. Il pensait que depuis le dernier incident, je m'étais mise à gérer le budget. Il a été énormément déçu, a évoqué le fait que ça ne lui donne pas envie de se marier.
Tout en m'expliquant avec lui, je réalise que mon TAG de l'hiver dernier vient du fait que je ne tenais pas les comptes. Ce à quoi il répond qu'en effet, lui aussi aurait fait un TAG dans les mêmes conditions. Il réalise que je n'ai jamais fait les comptes et m'avoue que s'il en avait eu connaissance, il n'aurait jamais lancé le projet d'achat de maison. Il est atterré par ce qu'il vient de découvrir de moi, très déçu et il a peur d'en découvrir encore tous les ans. Il me dit qu'il ne veut plus de surprises de ce genre et ne comprend pas que je ne lui en ai jamais parlé.
Là encore, notre couple a pris du plomb dans l'aile.
Cette fois, j'ai réagis.
Je me suis engagée à tenir les comptes. Je viens de passer le week-end à faire le bilan 2011 pour préparer le budget 2012. Ça m'angoisse de le faire, mais l'enjeu est bien trop important : mon couple et ma vie professionnelle.
Et j'ai honte.
Tellement honte.
J'ai honte et je suis en colère contre moi.
Je me sens vraiment anormale, malade, pathologique. J'ai le vertige en repensant au danger que je nous ai fait courir et dans lequel nous sommes peut-être encore. Je me compare à la Grèce.
J'ai tellement honte de la raison pour laquelle j'ai pris tout ces risques, que je n'ose pas l'avouer à mon compagnon. Du coup, je me sens seule face à mon problème. J'éprouve d'ailleurs pour la première fois de ma vie le besoin de participer à un groupe de parole, pour pouvoir parler de cela à des gens qui me comprendront. Cela m'aiderait à dédramatiser et à l'expliquer à mon compagnon.
J'ai appelé mon psy, mais il est en vacances cette semaine. Je lui avais parlé de mes dettes sur le plan professionnel, sa réaction m'avait angoissée car il a paru choqué, alarmiste. Du coup, je ne lui en ai plus jamais reparlé. Mais là, il faut que je lui en parle, pour qu'il m'aide à avancer.
Je reprends des anxiolytiques pour dormir, ça m'évite de me réveiller à l'aube angoissée et ça m'aide à être à peu près bien en journée. Je me sens mal dans ma peau, mon estime de moi en a pris un sérieux coup.
Pour tenir psychologiquement, je fais comme mon psy, je positive : l'important c'est que j'ai trouvé ce qui me faisait aller mal et la cause de mes perpétuels des problèmes d'argent et angoisses qui vont avec. Je connais le problème, il est simple à résoudre, c'est à la portée de n'importe qui et cela m'apportera de la sérénité. Cette prise de conscience est difficile mais elle était nécessaire. Je ne dois pas déprimer, et arrêter de faire l'autruche pour avancer.
Dans la dispute, mon compagnon m'a demandé ce que je voulais : la SÉRÉNITÉ, c'est ça que je veux.

Commentaires

  • Je voulais juste te dire que je lis ton blog depuis quelque temps maintenant, et que ça fait toujours du bien de voir qu'avec une bonne thérapie et un psy avec qui "ça colle", on peut se défaire de la phobie sociale et du manque d'affirmation. Ca donne du courage pour la suite... En tout cas continue comme ça, tu as l'air d'être sur la bonne voie !

  • Merci pour tes encouragements Pauline.

  • bonjour,
    je gère une page sur facebook et je voulais vous demander l'autorisation de mettre le lien vers votre blog car il est tres interressant.
    je suis moi meme phobique sociale et je comprends tt a fait.

    page FB: https://www.facebook.com/Phobie.Sociale?sk=wall

    merci pour votre partage

    ben

  • Oui, bien-sûr, vous pouvez mettre un lien vers mon blog.

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