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L’effet dodo : toutes les psychothérapies fonctionnent

Des centaines de recherches menées depuis quelques dizaines d’années, et regroupées en synthèses d’études et en méta-analyses, ont démontré sans équivoque que la psychothérapie peut contribuer à traiter efficacement plusieurs problèmes psychologiques comme la dépression, le trouble panique, l’anxiété, les troubles de l’alimentation et divers troubles de la personnalité.

Qui plus est, le recoupement de ces études a permis de conclure que toute psychothérapie bien menée, peu importe la technique particulière utilisée, a de fortes chances de donner de bons résultats. Cette hypothèse a été présentée pour la première fois en 1976 dans une étude intitulée Comparative studies of psychotherapies : is it true that "everybody has won and all must have prizes"? (Études comparatives des psychothérapies : est-ce vrai que « tout le monde a gagné et que chacun doit recevoir un prix »?). Le sous-titre de l’étude provient du livre Alice au pays des merveilles, de Lewis Caroll, dans lequel le dodo, l’oiseau-juge, déclare que tous ceux qui ont participé à la course ont gagné.

L’étude concluait que toutes sortes de thérapies, très différentes les unes des autres, démontraient pourtant une efficacité comparable face à des problèmes semblables; on a alors émis l’hypothèse que des « facteurs communs » présents dans la majorité des psychothérapies pouvaient être à l’origine de ce qu’on appelle désormais « l’effet dodo ».

Depuis, plusieurs synthèses d’études, méta-analyses et ouvrages scientifiques se sont penchées sur le phénomène, et bien qu’il reste certaines dissensions, la plupart des chercheurs conviennent aujourd’hui de la validité de l’effet dodo. On a toutefois remarqué que les diverses approches pouvaient effectivement s’équivaloir à condition qu’elles soient bona fide, une expression latine qui signifie littéralement « de bonne foi ». Pour qu’une thérapie soit bona fide, il faudrait que le thérapeute détienne au moins une maîtrise universitaire ou une formation équivalente, que le traitement repose sur des principes psychologiques valables et que le problème du client puisse raisonnablement être traité par une approche psychothérapeutique.

 

Pourquoi ça marche?

 

Que la majorité des psychothérapies bien menées puissent être efficaces ne signifie pas pour autant que toutes les psychothérapies soient équivalentes pour tout le monde. On a effectué beaucoup de recherches pour savoir quels pourraient être les fameux « facteurs communs » présents dans l’ensemble des psychothérapies, et dans quelle mesure ils en déterminaient le succès. La plupart des experts s’entendent aujourd’hui sur les 4 éléments qui seraient primordiaux pour prédire l’issue d’une thérapie, et sur leur importance relative :

 

L’implication et la détermination du patient : dans une proportion de 40 %.
La qualité de l’alliance thérapeutique entre le patient et le thérapeute : 30 %.
La confiance en l’efficacité du traitement (incluant l’effet placebo) : 15 %.
La spécificité de l’approche thérapeutique privilégiée : 15 %.

 

Les facteurs communs semblent donc plus importants que les facteurs propres à une approche ou à une autre. Cela ne signifie pas que le choix de la technique soit secondaire. En effet, si celle-ci ne correspond pas aux attentes du patient, cela pourra avoir une incidence négative sur son implication personnelle, sur la qualité de l’alliance thérapeutique et sur la confiance ressentie, réduisant d’autant les chances de succès.

 

Une étude étonnante
Trente personnes souffrant de dépression ont été traitées par une thérapie cognitive. Le taux de succès de la thérapie a été évalué en fonction de 3 variables, l’une propre à l’approche cognitive (l’accent mis sur les liens entre les modes de pensée et la dépression), et les deux autres communes à toutes les psychothérapies : l’alliance thérapeutique et l’implication du client. On a constaté une nette corrélation entre ces deux facteurs communs et les chances de réussite de la thérapie, tandis que l’élément propre à la thérapie cognitive n’était pas un bon prédicteur de succès. Les chercheurs ont même émis l’hypothèse que de trop s’attacher à une technique particulière pouvait nuire à la qualité de l’alliance thérapeutique et à l’issue de la thérapie.

 

Le patient

 

L’implication et la détermination du patient : 40 %. Il semble que l’aspect le plus important de « l’implication » du client (une notion qui englobe à la fois engagement et action) soit son intention sincère de collaborer au processus thérapeutique. La bonne volonté, les efforts consentis et l’ouverture d’esprit seraient déterminants. Une étude a d’ailleurs démontré la forte corrélation entre « l’ouverture » initiale du patient et le succès à court et long termes de la thérapie.

Dans une vaste synthèse d’études, publiée en 2003, on a constaté que le rôle du patient est déterminant pour que se constitue une bonne alliance thérapeutique. On y faisait aussi remarquer que la confiance et l’esprit de collaboration démontrés par le thérapeute peuvent avoir une influence positive sur l’implication du client. De plus, si le thérapeute explique clairement à son client que le processus exigera, de part et d’autre, de travailler avec vigueur et détermination, cela peut influencer favorablement les résultats du traitement.

Parmi les responsabilités du patient, évoquées dans une publication de la Harvard Medical School, on mentionne qu’il doit être motivé, participer activement au traitement et être prêt à faire face à d’intenses émotions.

 

Le lien patient/thérapeute

 

La qualité de l’alliance thérapeutique : 30 %. On décrit généralement l’indispensable alliance thérapeutique de la façon suivante :

 

Dans un esprit de collaboration, le client et le thérapeute s’entendent sur leurs tâches respectives, et les considèrent comme importantes et pertinentes.
Les objectifs de la thérapie sont clairs, bien compris et endossés par les deux parties.
Un lien affectif basé sur la confiance, l’implication, l’acceptation ainsi qu’une grande empathie de la part du thérapeute relient les deux personnes.

 

Le Dr Michael Craig Miller, l’éditeur de la Harvard Mental Health Letter de septembre 2004, a bien résumé l’importance de l’alliance thérapeutique. Il affirme qu’elle est essentielle au succès de toute psychothérapie et, comme l’ont démontré nombre de synthèses d’études, qu’elle serait plus déterminante que n’importe quel autre aspect spécifique du traitement. La recherche démontre que plus l’alliance est forte, meilleurs seront les résultats. Toutefois, le fait que l’intervenant soit amical, ouvert ou accueillant n’est pas suffisant; le patient doit également sentir qu’il est vraiment compris et que le thérapeute est digne de confiance et tout à fait compétent.

Dans une synthèse d’études portant sur les liens thérapeute-alliance thérapeutique, on a constaté que les principales qualités que devrait démontrer un thérapeute pour susciter une solide alliance sont d’être souple, honnête, respectueux, digne de confiance, chaleureux, intéressé et ouvert. L’utilisation de diverses techniques comme le soutien à l’expression des émotions, l’exploration et la réflexion sur le passé du patient ainsi que l’interprétation juste de ces observations contribueraient également à l’alliance.

 

La confiance

 

La confiance en l’efficacité du traitement (incluant l’effet placebo) : 15 %. Ce facteur dépend en partie de l’alliance thérapeutique – qui est entre autres basée sur la confiance –, mais également d’une bonne compréhension de l’approche thérapeutique. En effet, si l’on connaît bien la voie sur laquelle on s’engage, si des gens crédibles nous l’ont recommandée, si l’on s’est assuré de la compétence du thérapeute, tous ces éléments contribueront à générer une plus grande confiance. Et la recherche a démontré que cette confiance pouvait être, en elle-même, une composante de la thérapie, au même titre que la technique privilégiée.

 

L’approche elle-même

 

La spécificité de l’approche thérapeutique privilégiée : 15 %. Dans l’état actuel des recherches, il est difficile d’établir clairement si certaines approches thérapeutiques seraient plus efficaces que d’autres face à des affections particulières. Il se peut qu’au lieu de choisir une approche en fonction d’un problème spécifique, il soit préférable d’en rechercher une qui correspond à qui on est, à nos attentes, et même à nos convictions et à nos valeurs. Par exemple, pour un même problème de dépression, une personne désirant avant tout redevenir rapidement fonctionnelle pourrait choisir une approche cognitivo-comportementale, tandis qu’une autre de nature plus introspective, et qui voudrait en profiter pour envisager son problème dans un contexte plus vaste, pourrait se tourner vers une approche analytique.

 



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